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LA GRANDE PÊCHE

1497 - 1697

1900 - 1994

ASSOCIATION FÉCAMP TERRE-NEUVE
1702, NOUVELLE RÉGLEMENTATION SUR LES HAVRES DE PÊCHE

Pendant ces conflits armés, la pêche continue et les querelles entre capitaines français persistent. Plusieurs accidents dus aux courses pour la possession des havres de pêche, ayant entraîné la disparition de marins, l’Ordonnance du 8 mars 1702 interdit aux capitaines de mettre les chaloupes à la mer avant que le navire ne soit mouillé. En effet, certains d’entre eux ont pris l’habitude, étant encore en haute mer, d’envoyer des chaloupes qui "régatent" pour arriver les premières sur les "graves" et en prendre possession.

En ce début du XVIIIe siècle, la domination sur l’archipel de Terre-Neuve reste un enjeu important et, en 1703, l'amiral Graydon lance contre Plaisance attaques sur attaques, suivit par le capitaine Leake en 1704. Aucun d'eux ne réussit à s'emparer de la ville. En 1708, une nouvelle attaque française contre St. John’s permet aux Français de prendre la ville, il s'en fallut de peu que les Anglais soient chassés de Terre-Neuve. En 1711, l'amiral Walker lance son escadre contre Plaisance qu'il ne réussit pas à prendre. Telle est la situation sur l’archipel au moment des négociations du Traité d'Utrecht.

1713, TRAITÉ D’UTRECHT, CRÉATION DU "FRENCH-SHORE"

En 1713, la France et l’Angleterre signent le Traité d'Utrecht qui, avec ceux de Bade et de Rastadt, en 1714, mettent fin à la guerre de succession d'Espagne. Au terme de ces traités, Philippe V conserve la couronne d'Espagne mais renonce à celle de France. Louis XIV accepte la succession protestante en Angleterre et fait reconnaître par l'Espagne la possession de Gibraltar et de Minorque par les Anglais, lui-même cédant à ces derniers l'île de Saint-Christophe, la baie d'Hudson, l'Acadie, Terre-Neuve et les îles Saint-Pierre et Miquelon. Toutefois, l'article XIII du Traité conserve aux Français l'île du Cap-Breton et le monopole de la pêche sur la côte septentrionale de Terre-Neuve, du cap Bonavista à la Pointe Riche, instituant le "French-shore".
Ainsi, ce Traité rend les Anglais maîtres de Plaisance d'où les Français sont chassés. La plupart d’entre eux émigrent au Cap-Breton et, avec les réfugiés venus d'Acadie, forment le premier noyau de la population de Louisbourg, qui deviendra une grande forteresse et le centre des pêcheries françaises du nouveau monde pendant un demi-siècle.

Il s’ensuit une courte période de tranquillité, pendant laquelle, en France, plusieurs textes réglementent les voyages à Terre-Neuve, entre autres deux Ordonnances du Roy :
- du 16 février 1734 : "... qui défend aux Capitaines de Bastimens qui vont faire la pesche aux costes de l'isle de Terre-Neuve, et autres embarquez sur lesdits Bastimens, de traiter aucunes armes, munitions ni ferremens, avec les sauvages Esquimaux."
- du 23 juillet 1737, à la suite de l’incendie d’un navire à Saint-Malo : "... qui défend aux gens de mer de l'équipage des navires destinez pour la pesche de la moruë, d'embarquer des paillasses, ni autres meubles où il y ait de la paille, foin ou autres herbes sèches."

Les Dunkerquois, quant à eux, continuent de pêcher sur le Dogger Bank et au large des côtes d’Islande. En 1743, cherchant à étendre leurs zones de pêche, ils tentent, sans succès, des incursions en Laponie, au large de la presqu’île de Kola, entre la Mer de Barents et la Mer Blanche.

1745, THÈSE DITE "DE LA PÊCHE CONCURRENTE", PREMIER SIÈGE DE LOUISBOURG

A Terre-Neuve, alors que les Français considèrent le droit de pêche sur le French-Shore comme un monopole en leur faveur, les Terre-Neuviens, s'appuyant sur l'article XIII du Traité, commencent à soutenir la thèse "de la pêche concurrente", selon laquelle la concession faite aux Français n'implique pas l’exclusion des insulaires.
Ceci déclenche un nouveau conflit et le premier siège de Louisbourg, du 25 mars au 19 juillet 1745, qui se termine par la prise et l'occupation de la ville par les Anglais. En France, les armateurs informés de ce nouveau conflit n’arment que très peu de navires pour la campagne de 1746.

1748, TRAITÉ D’AIX-LA-CHAPELLE

Trois ans plus tard, au mois d'octobre 1748, par le Traité d’Aix-La-Chapelle qui met fin à la guerre de succession d'Autriche, les belligérants tentent de régler par la même occasion ce nouveau conflit. Mais ce traité ne donne que partiellement gain de cause aux pêcheurs français. En effet, il stipule que chacun des belligérants rend purement et simplement ses conquêtes, sans qu'il soit porté atteinte aux clauses du Traité d'Utrecht, dont l'article XIII, sujet de discorde, n'est pas modifié.
Chacun reprend alors possession de ses territoires, mais l'ambiguïté persiste. Malgré cela, après deux années d’interruption, les armements pour Terre-Neuve et le Cap-Breton reprennent et les Terre-Neuviens voient d'un mauvais œil le retour des Français.

1755, ATTENTAT DIT DE BOSCAWEN

Pendant plusieurs années, les querelles locales se multiplient, jusqu’à l'attentat dit "de Boscawen". En 1755, l’amiral britannique Edward Boscawen capture cinquante navires français en pêche en même temps que les Acadiens sont chassés de leurs terres et remplacés par des colons britanniques. C’est ce que les Canadiens appellent le Grand Dérangement.

1756, GUERRE DE SEPT ANS

En Europe, c’est la Guerre de sept ans et, de 1756 à 1763, les marins français, embarqués sur les navires du Roi, ne peuvent aller pêcher la morue. Les hâvres de pêche du French-shore sont abandonnés et occupés par les Anglais. Ces derniers, profitant de la situation, débarquent, le 8 juin 1758, dans l'anse de la Cormorandière, sur l'île de Cap-Breton, à quelques milles de Louisbourg. Ils font le siège de la ville, défendue par Augustin Boschenry de Drucourt, qui est prise le 26 juillet et en chassent tous les habitants.
En 1763, le Traité de Paris met fin à cette guerre, consacrant la victoire de l'Angleterre sur la France et l'Espagne. Battue sur mer et dans ses colonies, la France y perd la plus grande partie de son empire colonial dont Québec et la Nouvelle France. Toutefois, l'Angleterre nous rétrocède les îles Saint-Pierre et Miquelon et confirme nos droits sur le French-shore.
Malgré ce traité les Terre-Neuviens continuent de soutenir la thèse de la pêche concurrente et les conflits entre les insulaires et les pêcheurs recommencent. En 1764, à la fin de la saison de pêche, les Terre-neuviens envahissent nos havres de pêche, détruisent les installations, et brûlent les chaloupes échouées sur les rivages.

1765, CRÉATION DE LA DIVISION NAVALE DE TERRE-NEUVE ET D’ISLANDE

Devant cette situation, l’année suivante, pour protéger les pêcheurs et éviter que les incidents ne dégénèrent en conflits, la flotte morutière française arrive à Terre-Neuve escortée par deux frégates du Roi. Celles-ci restent en croisière, sur les côtes du French-Shore, pendant toute la campagne. Ainsi est créée, en 1765, la "Division Navale de Terre-Neuve" qui, depuis, ne fut interrompue que pendant certaines périodes de guerre.

En Islande, la situation n’est pas très éloignée de celle de Terre-neuve. En 1766, le monopole danois imposé par le roi Christian IV, en 1602, est enfin assoupli, grâce à Jon Eiriksson, Ministre islandais dans le Gouvernement Royal Danois. Ainsi, après deux siècles d’interdiction, les eaux islandaises nous sont à nouveau ouvertes.
Toutefois, il nous est clairement interdit de faire du commerce avec les insulaires et d’entrer dans les ports ou les rades islandaises, à moins d’y être contraints par la nécessité. Ceci va engendrer des tensions et, pour prévenir les conflits, la France envoie des navires d’assistance pour protéger les "dogres" dunkerquois. En 1767, Yves-Joseph de Kerguelen de Tremarec, brillant hydrographe, y est envoyé avec la frégate la Folle et avec la corvette l’Hirondelle, en 1768. A partir de cette époque, Dunkerquois et Gravelinois délaissent le Dogger-Bank et développent considérablement leurs flottilles.

1769, PUBLICATION DU TRAITÉ GÉNÉRAL DES PÊCHES

En cette deuxième moitié du siècle des lumières Diderot et d’Alembert entreprennent, en 1750, la publication de leur Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers et Henri Louis Duhamel du Monceau, ingénieur et agronome, membre de l’Académie Royale des Sciences, fait éditer son Traité général des pêches et histoire des poissons, en 1769, un des grands ouvrages de référence sur la pêche.

1783, GUERRE D'INDÉPENDANCE AMÉRICAINE, TRAITÉ DE VERSAILLES

En Amérique du Nord, en 1775, débute la Guerre d'Indépendance Américaine, par le massacre de Lexington et le blocus de Boston. Trois ans plus tard, le 6 février 1778, l'alliance officielle de la France avec les "Insurgents" est signée. Cette guerre se termine en 1781, après la bataille de Yorktown, avec la défaite du général anglais Corwallis et la capitulation de l'Angleterre.

Le Traité de Versailles est signé le 3 septembre 1783, qui reconnaît les États-Unis d'Amérique et met fin au conflit. Le même jour, un Traité franco-anglais restitue à la France ses possessions coloniales en Amérique, lui conservant la possession des îles Saint-Pierre et Miquelon. Mais ce Traité change les limites du French-Shore, les déplaçant sur la côte occidentale, du cap Race au cap Raye, nous faisant perdre les baies les plus riches.

1789, INVENTION DES LIGNES DORMANTES

Pendant ce conflit, les armateurs français continuent d’envoyer leurs navires sur les bancs mais, depuis le XVIe siècle, si le tonnage des navires s’est développé, la technique de la pêche errante n’a pas évolué. Comme en Islande, les pêcheurs s'en tiennent toujours à la pratique de la ligne à main, depuis le bord du navire.
En 1789, le capitaine dieppois Sabot s'avise de tendre de longues lignes de fond, ou "harouelles", engins traditionnels employés en Manche pour la pêche dite "aux cordes". Il fait fabriquer et tester plusieurs lignes garnies de centaines d’haims (hameçons), qu'il fait mouiller par des chaloupes, loin du navire, et relever deux fois par 24 heures.
Cette nouvelle technique qui permet de pêcher plus et plus vite est rapidement adoptée par tous les armements et modifie considérablement la vie des marins-pêcheurs. C’est, sans aucun doute, la première évolution technique importante de la pêche errante. Les navires terre-neuviers qui pêchent sur les bancs s’appellent alors des "cordiers", du nom de cordes donné aux lignes.

1793, ARRÊT DES ARMEMENTS TERRE-NEUVIERS

L’année où le capitaine Sabot teste sa nouvelle technique de pêche, éclate la Révolution Française. Pendant les troubles révolutionnaires, la pêche continue mais, quatre ans plus tard, en 1793, l'Angleterre et les puissances coalisées déclarent la guerre à la France. L'amiral King bombarde Saint-Pierre, occupe la ville, en chasse les cinq cents habitants et prend possession des îles Saint-Pierre et Miquelon. Cette occupation interdira, pour de longues années, tout armement français pour Terre-Neuve.
Le Traité d'Amiens est signé le 25 mars 1802 (4 germinal an X). Il met fin à la guerre des puissances coalisées contre la France et nous rend la disposition de nos pêcheries de Terre-Neuve et la possession de notre petite colonie. On réorganise la pêche et, à la demande des capitaines, le 4 février 1803, une ordonnance définit l'attribution des places dans les havres de Terre-Neuve. Mais cette paix ne dure qu'un an ; la guerre reprend ; les Anglais occupent à nouveau les îles Saint-Pierrre et Miquelon. Ils s'emparent des quelques navires qui avaient pris la mer à destination du French-Shore ou des bancs, et les équipages sont gardés prisonniers.

1815, REPRISE DES ARMEMENTS TERRE-NEUVIERS

De 1793 à 1815, les pêcheurs sont embarqués sur les navires de la République puis sur ceux de l'Empereur et beaucoup d’entre eux finissent prisonniers sur les pontons anglais. Ils ne peuvent armer les navires de pêche et les Terre-Neuviens occupent les havres du French-Shore. Ces derniers, jouissant alors d’un monopole absolu, attirent une nouvelle population hostile à la France, qui atteint très vite le chiffre de 70 000 habitants.
Les Traités de Paris sont signés en 1814, à la fin des Cent jours. Ils sanctionnent la défaite française et mettent fin aux guerres d’Empire. Heureusement pour la grande pêche, ces traités maintiennent très explicitement nos droits exclusifs sur Terre-Neuve et permettent, en 1815, la reprise des armements terre-neuviers. Le port de Fécamp envoie cette année- là deux navires, l’Éléonore et l’Adolphe, et neuf l’année suivante.

1816, PRIMES D’ÉTAT À L’ARMEMENT MORUTIER

La paix revenue, la France est ruinée et Louis XVIII, pour relancer le commerce maritime et notamment l’industrie morutière, rétablit par une Ordonnance du 8 février 1816 le système des Primes à l'armement français et protège le commerce par des taxes sur les produits étrangers. Les pêcheries sédentaires de Terre-Neuve sont réactivées et, petit à petit, retrouvent leur ancienne prospérité au détriment des Terre-Neuviens. Les 4.000 marins-pêcheurs français métropolitains se trouvent alors opposés à une population insulaire passée à 70.000 habitants.

1821, REPRISE DE LA DIVISION NAVALE DE TERRE-NEUVE

Le 30 janvier 1821, trente-deux ans après l’expérience positive du capitaine Sabot, une circulaire ministérielle officialise la pêche aux lignes dormantes.
La même année, une nouvelle Ordonnance du Roy, issue de celle de 1803, portant : "... règlement sur la police de la pêche de la morue à l'Île de Terre-Neuve...", fixe définitivement le statut de la pêche française à Terre-Neuve et devant une situation qui redevient tendue sur le French-Shore, pour prévenir tout conflit, la Division Navale de Terre-Neuve est remise en place. Elle est composée de trois navires, la corvette Diane, le brick Vigilant et la gabarre Gironde. Sa mission est de surveiller, protéger et assister navires et marins.

1837, ADOPTION DU SYSTÈME MÉTRIQUE

En 1837, intervient en France une réforme importante, sans rapport direct avec la marine, mais qui a des répercussions dans tous les domaines d’activités. Par la Loi du 4 juillet, la France se dote d’un nouveau système de mesure : elle adopte et rend obligatoire le système métrique. Jusque-là, on se servait en France d’anciennes unités de mesures, telles que : la toise, le pied, le pouce, la livre, etc.
Pour la marine, cette loi modifie entre autres : les mesures de construction des navires, le calcul des jauges et des cargaisons, etc. la grande pêche n’échappe pas à cette modernisation.
En ce qui concerne Terre-Neuve, les rapports franco-anglais restent difficiles. Dans les années, 1844, 1846 et 1851, différentes commissions d'arbitrage travaillent sans résultats probants, pour trouver un accord sur le French-shore et sur les approvisionnements en appâts de premières pêches, pour les navires qui vont "aux bancs".

1852, IMMATRICULATION DES NAVIRES DE COMMERCE

En 1852, une autre réglementation importante touche la marine de commerce. Le Décret-Loi du 19 mars impose l’obligation d’immatriculation pour les navires de commerce. L’article 6 établit le principe de l'apposition de marques extérieures d'identité : "... le nom et le Port d'attache de tout bâtiment exerçant une navigation maritime, doivent être marqués à la poupe en lettres blanches de 0,80 m au moins de hauteur sur fond noir..." Ce Décret-Loi fixe également les principes généraux de la réglementation de la pêche côtière pour l'ensemble du littoral français.
En application de ce texte, sont pris, le 4 juillet 1853, les décrets dits "d'arrondissements", un pour chaque arrondissement maritime nouvellement créé : Le Havre, Cherbourg, Brest, Lorient, Rochefort et, le 19 novembre, Toulon.

1854, FIN DU MONOPOLE DANOIS SUR LES EAUX ISLANDAISES

On a vu qu’en 1766, le monopole danois sur la pêche à la morue dans les eaux islandaises fut assoupli, grâce à Jon Eiriksson. Toutefois, il nous était interdit de faire du commerce avec les insulaires et d’escaler dans les ports ou les rades islandaises. Les Dunkerquois et les Gravelinois, qui se trouvent plus proches des eaux islandaises et peuvent éviter de faire escale, développèrent alors considérablement leurs flottilles et, pendant presque un siècle, restèrent seuls à aller "à Islande".
En mai 1852, à la Conférence Internationale de Londres, le roi du Danemark, Frédéric VII, signe un Traité supprimant le monopole danois sur le commerce avec l’Islande. Ainsi, en 1854, ce monopole qui empêchait les navires étrangers de faire escale en Islande est levé et en 1855, l’armateur Louis Morand arme l'Occasion, la première goélette paimpolaise pour une campagne de pêche dans les eaux islandaises. Commandée par un capitaine dunkerquois, elle fait une très bonne campagne, pleine de promesses. Les Paimpolais envoient alors, chaque année des navires à Islande et la flottille du Pays Goëlo devient rapidement aussi importante que celle de Dunkerque.
En ce qui concerne Terre-Neuve, les choses évoluent également. En 1856, l'Angleterre dote l'île d'un Self-Government et les travaux des différentes commissions d'arbitrage franco-anglaises aboutissent, en 1857, à un arrangement qui confirme nos droits de pêche sur le French-Shore. Cet arrangement autorise également les marins-pêcheurs français à s'approvisionner en appât de première pêche, sur la côte sud de l'île.
Mais le tout nouveau gouvernement de Terre-Neuve qui cherche par tous les moyens à nous expulser des zones de pêche n'a pas été associé aux négociations. Il refuse cet accord et des troubles graves éclatent dans l'île. Malgré cela, l’accord tiendra une trentaine d’années.

1870-1875, GUERRE AVEC LA PRUSSE, ADOPTION DU DORIS

Le 15 juillet 1870, pendant que les navires terre-neuviers sont en pêche, la France déclare la guerre à la Prusse. La rapidité des victoires prussiennes est foudroyante et, en septembre, après la défaite de Sedan, Napoléon III est fait prisonnier. Toutefois, la guerre n’étant pas portée sur mer, les bateaux rentrent en France, sur leurs ports de retour, sans aucun problème mais, le 13 décembre, le Comité de Gouvernement replié à Bordeaux décide du blocus des ports de la Manche.
Pour la campagne de 1871, les ports bretons arment, sans autres problèmes que les restrictions qui limitent les approvisionnements en vivres mais, pour les ports de la Manche, le problème est autre. Le blocus fait craindre aux armateurs que leurs navires soient réquisitionnés et qu’ils ne puissent les envoyer en pêche. Certains d’entre eux ne préparent pas la prochaine campagne.
Après de nombreuses pétitions de la part des armateurs à la grande pêche, le blocus est enfin levé au début du mois de mars, permettant le départ des navires, suffisamment tôt pour arriver sur les bancs à la bonne saison. Ainsi, la flottille de la Manche, notamment celle de Fécamp, bien que réduite, part tout de même.

Cette période est également celle d’une profonde modification de la pêche sur les bancs. Depuis l’adoption des lignes dormantes, testées avec succès par le capitaine Sabot en 1789, la technique de pêche errante n’a pas évolué. On utilise toujours, pour tendre les lignes, les lourdes chaloupes montées par une dizaine d'hommes.
À partir de 1870, les capitaines de pêche expérimentent leur remplacement par des "doris", petites embarcations légères, bien adaptées aux mers de l’Atlantique Nord, empruntées aux Américains, à l'époque on disait "une" doris. Parallèlement, les chantiers maritimes français cherchent à fabriquer leurs propres modèles, pour finir par copier fidèlement le modèle américain. Les commandes sont importantes, elles permettent d’expérimenter une production en série, chaque navire emportant dix à quinze doris, un doris ne faisant que deux campagnes. En 1875, pratiquement toute la flottille française est modernisée, ce qui améliore la rentabilité des campagnes.
Mais, avec l’apparition des doris, les pertes en hommes augmentent et les familles ne sont pas protégées. Pour tenter de remédier à cette situation de misère, en 1879, Alfred de Courcy, président du Comité des assureurs maritimes de Paris, fonde la Société de Secours aux Familles des Marins Naufragés, reconnue d'utilité publique, le 12 mars 1880.

1885, INSCRIPTION OBLIGATOIRE DU NOM DES NAVIRES

Le 4 avril 1885, pour harmoniser notre réglementation avec celle des autres pays, une Circulaire Ministérielle rend obligatoire l'inscription du nom du navire et du port d'attache, à l'avant et de chaque bord, pour les navires de commerce. Cette circulaire est le prolongement de celle de 1852 et la complète.

1886, VOTE DU "BAIT BILL", PUBLICATION DE PÊCHEUR D’ISLANDE

On a vu plus haut que l’arrangement de 1856 confirmait nos droits de pêche sur le French-shore et autorisait les pêcheurs français à s'approvisionner en appât sur la côte sud de l'île. De nouveaux arrangements franco-anglais, sur les droits de pêche, sont signés en 1884 et 1885, au grand mécontentement des délégués de Terre-Neuve, peu associés aux négociations. Se considérant spoliés et désireux de nous chasser définitivement de Terre-Neuve, ils votent, le 18 mai 1886, le "Bait Bill".
Ce Bill interdit expressément l'exportation et la vente dans la colonie de la boëte (les appâts) aux pêcheurs métropolitains. Ces appâts, constitués de hareng ou d'encornet, sont indispensables pour la première pêche.
La parade est trouvée par deux Fécampois, des capitaines qui ont l'heureuse idée de garnir leurs lignes avec des bulots (le buccin ondé), qui abondent sur les bancs et dont la morue est assez friande. Le succès couronne leur initiative et sauve les armements français. Ainsi, cette loi, mal pensée, se retourne immédiatement contre les insulaires, qui perdent là l’essentiel de leur commerce.

En Islande, la pêche française s’est aussi considérablement développée, notamment pour Paimpol et le Pays Goëlo. L’importance de cette activité maritime sur le pays inspire Pierre Loti qui en fait le sujet du livre qui lui donnera la célébrité : Pêcheur d'Islande. Il écrit ce livre en s'appuyant sur le témoignage de son ordonnance à bord de l'Atalante, en 1882, ancien pêcheur d’Islande, et sur des informations recueillies auprès des armateurs de Paimpol.

1894, CRÉATION DE LA SOCIÉTÉ DES ŒUVRES DE MER

Le livre de Loti a ouvert une voie et les très dures conditions de vie des gens de mer de la grande pêche attirent l'attention des écrivains et des journalistes. Un grand mouvement de solidarité s’engage en France, qui aboutit à la création de la Société des Œuvres de Mer, fondée en 1894, par Bernard Bailly. Construite sur le modèle déjà mis en place par les Allemands et les Anglais pour venir en aide et porter une assistance aux pêcheurs, elle organise une collecte publique nationale pour trouver des fonds.
L’article premier des statuts définit bien son objet : " La Société des Œuvres de mer a pour objet de porter des secours matériels, médicaux, moraux et religieux aux marins français et des autres nationalités et plus particulièrement à ceux qui se livrent à la grande pêche." L'année suivante, la société ouvre la première Maison de Famille, à Saint-Pierre et, en 1896, le Saint-Pierre, premier navire-hôpital français, est lancé à Saint-Servan. Il prend la mer le 20 avril, pour sa première campagne d'assistance aux pêcheurs de Terre-Neuve, et fait naufrage le 30 mai. La Société est reconnue d'utilité publique, par Décret Ministériel, le 7 décembre 1898.

1897, THÉODORE BOTREL LA PAIMPOLAISE

Le journaliste poète Théodore Botrel publie à son tour, en 1897, un recueil de chansons dont la très célèbre Paimpolaise, qui ajoute encore à la construction du mythe romanesque du pêcheur d’Islande, engagé par Loti dix ans plus tôt.


Etienne BERNET
Extrait de la Bibliographie Francophone de la grande pêche.
©
Édition Association Fécamp Terre-Neuve, 1998

La reproduction d’extraits de ce texte est autorisée sous réserve d’en mentionner l’auteur et l’éditeur.