La pêche au chalut

La pêche à la morue au temps des chalutiers

Les chalutiers "classiques" à vapeur

Dès le début du siècle, le nombre des voiliers ne cesse de décroître au profit des chalutiers. En effet, leur mode de propulsion à vapeur permet de pratiquer le chalutage, d’un rendement supérieur à la pêche aux lignes de fonds.
Ces premiers navires en acier de 150 à 500 tonneaux sont polyvalents et peuvent pêcher aussi bien la morue au chalut que le hareng au filet dérivant.

Le plus beau fleuron de cette génération est « l’Augustin Le Borgne », que le « Yacht », journal de la marine du 12 août 1905, présente ainsi : « …construit plus spécialement pour la grande pêche à la morue en Islande et éventuellement sur les bancs de Terre-Neuve, il atteint des dimensions et une force qui n’avaient encore jamais été données à ce genre de construction et qui en font, jusqu’à ce jour, le plus fort chalutier du monde… Le port de Fécamp, déjà le premier de France pour la pêche à la morue, va bientôt se trouver enrichi de plusieurs unités du même genre. »
En 1939, la France possédait la plus belle flottille de chalutiers à vapeur. Fécamp armait près de la moitié de ces chalutiers, dont certains mesuraient plus de 70 m et dépassaient 1000 tonneaux, comme le « Vikings I ».

Les chalutiers "classiques" à moteur

Apparu dès 1930, ce type de chalutier remplace les « vapeur » après la seconde guerre mondiale. La reconstruction de la flottille s’oriente alors vers les grands chalutiers à moteur diesel, d’une autonomie de 2 à 3 mois. Sur ces chalutiers, comme sur les « vapeur », le chalut est remonté par le côté à l’aide de deux potences.

Pourvus de matériels de plus en plus sophistiqués : appareils de navigation tels le Decca, sondeur de profondeur, etc… ils sont dotés, vers la fin des années 1960, de cales frigorifiques et de machines à travailler le poisson.

Les chalutiers modernes à rampe arrière

Conçus différemment des chalutiers classiques, ils se caractérisent par un plan incliné à l’arrière, pour la mise à l’eau et la remontée du chalut. Ils disposent sous le pont d’une véritable usine qui travaille le poisson en filets et le surgèle en plaques. L’un des premiers chalutiers français de ce type fut le « Vikings III », armé en 1965 par les Pêcheries de Fécamp.

La crise de la pêche des années 1970 a provoqué le déclin de ces navires. Le dernier grand chalutier de Fécamp fut le « Dauphin » qui, après une campagne sur les bancs de Saint-Pierre-et-Miquelon entre janvier et avril 1987, quitta définitivement notre port le 9 novembre 1987.

Les chaluts

D’un usage extrêmement répandu depuis le 20ème siècle, le chalut n’est pas une invention contemporaine. Dans son ouvrage « Le Traité des Pesches » du 18ème siècle, Duhamel du Monceau présente déjà un filet en forme de poche utilisé par les pêcheurs côtiers français, dont l’origine remonte au Moyen Age.

Plusieurs sortes de chaluts se sont succédés. Le chalut à perche fut employé sur les voiliers et les premiers « vapeur » ; aujourd’hui, quelques pêcheurs côtiers sont restés fidèles à cet engin pour la pêche de poissons de fond comme la sole.
Premier chalut à panneaux, l’Ottertrawl remplace le chalut à perche dès le début du 20ème siècle. Il est amélioré à partir de 1922 par les Français Vigneron et Dahl, qui placèrent les panneaux sur les câbles de remorquage. Ce chalut de type « V.D. » a été le plus utilisé sur les chalutiers classiques.
Le chalut semi-pélagique, à grande ouverture verticale, apparaît vers 1960 sur les chalutiers classiques comme sur les chalutiers à rampe arrière.
Le chalut pélagique, bien plus long que le semi-pélagique, ne racle pas les fonds. Il est traîné à toutes les profondeurs pour atteindre les bancs de poissons migrant entre deux eaux. Depuis 1970, son utilisation est courante sur les chalutiers à rampe arrière dotés de sondeurs.

Les manœuvres de chalutage sur un chalutier classique :

  • Le filage : le chalut est mis à l’eau, puis le navire avance lentement. Les funes se déroulent du treuil. Une plus grande longueur est donnée au câble avant, de manière à répartir la force de tractation sur le chalut et éviter qu’il ne se déchire.
    Lorsque le chalut est au fond de l’eau, les câbles sont enserrés dans une forte mâchoire, le « chien », situé à l’arrière du navire, qui les maintient éloignés de l’hélice. Le navire peut alors manœuvrer librement et commencer son « trait de chalut » d’une durée moyenne de deux heures.
  • Le virage : pour effectuer les opérations de remontée du chalut, les câbles sont libérés du « chien ». Ils sont ensuite enroulés pour remonter la gueule du chalut à bord du navire. Le « cul de chalut » est amené le long de la coque par un cordage : la lâche.
Seul le « cul de chalut » est monté à bord. Un marin, le « largueur de cul », se glisse sous la poche suspendue à 80 cm du pont et dénoue le nœud situé à la base du cul. La masse de poissons ainsi libérée se déverse immédiatement dans le parc. Le contenu du cul que les pêcheurs nomment « palanquée » ou « pal » pèse 2 à 3 tonnes.
Ainsi vidé, le cul est refermé et rejeté à l’eau pour remonter le reste de la pêche. Le poisson qui était maintenu dans la partie centrale du chalut, toujours à l’eau, remplit alors le cul pour former une seconde palanquée. Celle-ci sera hissée à bord et vidée sur le pont… L’opération se poursuivant jusqu’à la dernière « pal ».

Longues et délicates sur les chalutiers classiques, les manœuvres de chalutage sont beaucoup plus rapides sur les chalutiers modernes, qui filent et virent le chalut par leur rampe arrière.

Marie-Hélène Desjardins
Conservateur du musée des Terre-Neuvas & de la pêche.
© Musée des Terre-Neuvas de Fécamp.

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Pour en savoir plus : Jack Daussy, Les chalutiers morutiers Fécampois, 1991