Les grandes dates de l'histoire de la pêche à la morue / 1497 - 1697
1497 - Découverte de Terre-Neuve
En 1497, deux Italiens, Jean et Sébastien Cabot, ayant reçu des Lettres Patentes du Roi d'Angleterre, Henri VII, les autorisant à faire voiles pour aller : "... à la découverte de toutes les îles et contrées des païens ...", partent de Bristol le 2 avril, sur le Mathew et, après cinquante-deux jours de mer, le 24 juin, abordent dans un endroit que la carte de Sébastien Cabot permet de situer dans l'île du Cap-Breton, à Terre-Neuve.
Ils prennent possession de ces nouvelles terres, au nom de la couronne d'Angleterre, ainsi que de toutes les terres qui s'étendent depuis les régions découvertes par les Espagnols jusqu'au cercle polaire. L'Amérique a été découverte par Christophe Colomb, cinq ans plus tôt, en 1492.
En l'absence de récit de cette expédition, cette hypothèse est généralement admise. Elle est basée sur quelques textes de diplomates italiens évoquant ce voyage dans leur correspondance. Toutefois, aujourd'hui, il est à peu près acquis que les baleiniers basques fréquentaient l'estuaire du Saint-Laurent depuis presque un siècle. Ils y pêchaient la baleine et probablement la morue.
En 1501, le portugais Gaspard Corte-Réal, ignorant la découverte de Cabot, débarque dans la baie Notre-Dame, sur la côte orientale de l'île et plante le drapeau de son pays sur le Labrador et sur Terre-Neuve. Il dépêche une de ses caravelles à Lisbonne, pour annoncer ses découvertes puis, continuant son voyage, se perd corps et biens.
1506 - Débuts de la pêche de la morue à Terre-Neuve
Les débuts de la pêche dans les eaux de Terre-Neuve datent de la période des grands voyages de découverte. Plusieurs documents anciens attestent de la pratique de la pêche à la morue à Terre-Neuve au début du XVIe siècle.
En 1506, le capitaine Jehan Denis et le pilote Gamart, sur un navire honfleurais, se rendent à Terre-Neuve et, en 1508, l'armateur dieppois Ango, le père, y envoie le navire La Pensée, confié à maître Thomas Aubert, pour tenter la création d'un établissement permanent. La même année, un navire de Bréhat, en provenance de Terre-Neuve, arrive à Rouen, avec un chargement de morues ; à partir de cette époque, Français, Anglais, Portugais et Espagnols arment librement, chaque année, pour Terre-Neuve.
À Fécamp, en 1520, le capitaine Nicolas Gautier arme lui aussi un navire pour Terre-Neuve et, la même année, le journal de la Vicomté de Fécamp mentionne pour la première fois l’arrivée de chargements de morues : le 15 septembre : "... Jehan Pailherbe, Maistre de navyre de fescamp, demande congé de descharger ung millié de moreeulx et doibt le millié...", le 24 du même mois "... un Maistre de navire de Honnefleu (Honfleur), demande congé de descharger II cens de moreeulx ...".
1524 - Prise de possession de Terre-Neuve par la France
La France tente alors de marquer sa domination sur ces nouvelles terres et, le 17 janvier 1524, sur les ordres de François Ier, Giovanni Verazanno, pilote florentin, quitte Le Havre avec quatre vaisseaux pour un voyage de reconnaissance sur les côtes d'Amérique du Nord. Il traverse l'Atlantique, remonte les côtes jusqu'au Cap-Breton et prend possession de Terre-Neuve au nom de la France. Il fait une seconde expédition en 1528, suivi par Jacques Cartier qui, de 1534 à 1540, reconnaît l'insularité de Terre-Neuve, appelée par les Portugais : île des Onze mille vierges ou île de bacalhau (l'île des morues).
A partir de cette époque, les Français considèrent que Terre-Neuve leur appartient et y pratiquent la pêche à la morue de deux façons :
- La pêche sédentaire, ou pêche aux chaffauds, pratiquée plus particulièrement par les Basques, les Malouins et les Paimpolais. Le poisson est préparé et séché à terre, sur les graves, et s’appelle "morue sèche".
- La pêche errante, ou pêche aux bancs, pratiquée au large, plus particulièrement par les Normands et les Rochelais. Le poisson est préparé à bord et s’appelle "morue verte".
1536 - Début de la pêche errante
La première indication certaine d’un armement destiné exclusivement à la pêche errante date du 10 janvier 1536. Sur ordre du Roi, qui veut maintenir la souveraineté française sur l’archipel et les eaux de Terre-Neuve, le port du Havre arme la Catherine, un navire de Rouen, spécialement équipé pour ce type de pêche.
Au long des années qui suivent, l’occupation de l'archipel et l’exploitation des eaux de Terre-neuve deviennent l'objet de graves conflits entre Français et Anglais. En 1555, aux atterrages de la Manche, sur le voyage de retour, plusieurs de nos navires, lourdement chargés, sont arraisonnés et conduits dans les ports anglais. A la suite de cet incident, les capitaines français arment leurs navires en guerre et s’organisent en convois pour : "... se rendre en grande aventure de pêche aux costes d'Amérique ...".
Cette rivalité n'empêche pas la progression des armements terre-neuviers. En 1573, trois cent trente navires sont en pêche à Terre-neuve : cent cinquante français, cent espagnols, cinquante portugais et trente anglais, ces derniers ne pêchant pratiquement pas, préférant le négoce. Ils achètent des cargaisons entières de poissons qu’ils revendent sur le marché britannique, ce qui peut expliquer qu’ils soient aussi peu nombreux.
1583 - Prise de Terre-Neuve par les Anglais
Tout au long du XVIe siècle, la possession de l’archipel est une cause de conflits permanents entre Anglais et Français.
En 1583, Humphrey Gilbert prend l'île au nom de la Reine Élisabeth et installe son Gouvernement à Saint-Jean, qu’il rebaptise St. John’s, marquant ainsi la souveraineté britannique.
1602 - Monopole danois sur l'Islande
A cette époque, les Français pêchent également la morue dans les eaux islandaises, alors sous domination danoise mais, en 1602, le roi Christian IV porte un rude coup aux pêcheurs français. Après avoir interdit aux étrangers de commercer avec l’Islande, il accorde aux Danois le monopole du commerce et de la pêche dans les eaux islandaises, fermant l’accès des zones les plus poissonneuses aux autres nations.
Les Dunkerquois, pour qui c’est un lieu traditionnel de pêche, doivent alors rester éloignés des côtes, dans des eaux moins généreuses. Ce monopole ne sera assoupli qu’à la fin du XVIIIe siècle, pour n’être définitivement levé qu’en 1854.
1608 - Fondation de Québec, premiers établissements sédentaires à Terre-Neuve
Les côtes d’Amérique, quant à elles, continuent d’attirer les Français. Le 15 mars 1603, Samuel de Champlain quitte Honfleur pour étudier les conditions d'un établissement en Nouvelle-France. Il s’y installe et fonde Québec en 1608. Se sentant alors protégés, quelques Français, 300 à 400 hivernants, notamment des Basques, en profitent pour fonder les premiers établissements sédentaires sur la côte Sud-Est de Terre-Neuve. La pêche s'y développe considérablement et, en 1628, les Malouins à eux seuls comptent cent douze navires dans les havres de pêche, ce qui représente trois mille cinq cent à quatre mille pêcheurs.
En 1629, une expédition anglaise oblige Québec à se rendre. Les Anglais occupent la ville qui n’était encore qu’un gros bourg, mais Champlain en obtient la restitution en 1632, par le Traité de Saint-Germain-en-Laye. Hélas, ce Traité, qui nous rend Québec, donne le pouvoir sur Terre-Neuve aux Britanniques. Souveraineté confirmée, en 1633, par une nouvelle convention nous interdisant toute implantation dans l’île, ne laissant aux Français que "le droit de grave", c'est-à-dire uniquement le droit de pêcher et de sécher le poisson sur le rivage, moyennant une taxe de souveraineté de 5 %. Heureusement, cette taxe ne fut pas ou pratiquement pas prélevée, mais ceci va occasionner des conflits entre les capitaines de pêche français.
1640 - Premier règlement de police entre capitaines de pêche français
Pour régler les différends issus de la situation sur les graves de Terre-neuve, le 31 mars 1640, à Rennes, le Parlement de Bretagne homologue un règlement de police ayant pour objet : "... de mettre fin aux contestations entre pêcheurs pour le choix des hâvres et galets...". En fait, celui-ci consacre la mainmise des Bretons, en particulier des Malouins, sur la presqu'île du Petit-Nord.
Ce règlement sera amendé, en 1671, par un Arrêt du Conseil d'État, dans lequel Louis XIV déclara : "... commun à tous ses sujets le règlement fait par les négociants de Bretagne au sujet de la pêche des morues...". Plus tard, en 1681, Colbert codifia le Règlement de 1640 et son amendement, confirmant toutes les prérogatives et attributions antérieures : … du capitaine arrivé le premier au havre de pêche.
1660 - Fondation de la ville de Plaisance
Sur le plan international, en 1660, le roi d’Angleterre Charles II abolit la convention de souveraineté de 1633, rétablissant l’égalité entre les deux puissances. Les Français fondent alors la ville de Plaisance, pour répondre à St. John’s. Ville qu'ils fortifient et dont ils chassent Anglais et Portugais. Immédiatement, les conflits reprennent entre les deux communautés et sont alors permanents.
Heureusement pour l’approvisionnement de la France, la pêche à la morue ne concerne pas uniquement Terre-Neuve ; Dunquerquois et Gravelinois pêchent régulièrement la morue sur le Dogger Bank et au large des côtes d’Islande où cette activité est en plein essor.
1668 - Création de l'inscription maritime
En Europe, sur mer, les guerres sont continuelles et Colbert, ministre de la Marine, est confronté aux difficultés chroniques du recrutement des marins. En 1668, il crée le "système des Classes", c'est-à-dire le service par roulement sur les vaisseaux du Roi et le recrutement de la flotte parmi les gens de mer. Ainsi, il remplace par un régime plus souple l'ancien système arbitraire de la levée par la force dit "de la presse".
À partir de cette date, l'obligation est faite à tous les marins du commerce ou de la pêche d'être recensés, cette institution, qui existe toujours, prendra le nom d’Inscription Maritime, un siècle plus tard, en 1795.
1681 - Grande ordonnance de Colbert
Poursuivant son œuvre en faveur de la Marine de Commerce, Colbert promulgue, en août 1681, sa grande Ordonnance de Marine, chef-d'œuvre législatif, dû en grande partie à l’intendant de la Marine, Lambert d'Herbigny. Elle introduit une distinction entre les capitaines qui arment pour la course, pour le long cours, la pêche à la baleine ou la pêche à la morue et dispose, entre autres, de la création du brevet de capitaine au long cours : "... pour le commandement des navires armés pour les navigations lointaines...". Elle relance également la création des Écoles d'hydrographie pour que "... dans toutes les villes maritimes du royaume, il y ait des professeurs d’hydrographie pour enseigner publiquement la navigation."
Par ailleurs, devant les conditions de vie, d’hygiène et de santé déplorables faites aux marins, et à ceux de la grande pêche en particulier, elle fixe, pour la première fois, des prescriptions de sécurité pour les navires et de protection sanitaire pour les équipages. Elle prescrit, entre autres, qu'un chirurgien sera embarqué sur les navires, armés au long cours ou à la grande pêche, ayant à bord plus de vingt hommes d'équipage, précisant que : "... les propriétaires des navires seront tenus de fournir le coffre du chirurgien, garni de drogue, médicaments, onguents et autres choses nécessaires pour le pansement des malades, pendant le voyage, et au chirurgien les instruments de sa profession...", texte sans effet. On sait que les armateurs ne respecteront pas ces consignes médicales élémentaires, notamment sur les navires terre-neuviers.
1691 / 1697 - Luttes pour la possession de Terre-Neuve
En cette fin de siècle, Terre-Neuve reste un champ clos où s’affrontent en permanence les deux colonies rivales. En 1691, au bombardement de Plaisance par le commodore Williams, le Gouverneur de la ville, Philippe de Pastour de Costebelle fait riposter en renvoyant les propres boulets de l’escadre anglaise. L’Europe est également en guerre avec des effets directs sur l’archipel de Terre-Neuve. En 1692, Guillaume d'Orange, ennemi juré de Louis XIV, profite de la guerre d'Augsbourg pour envoyer une expédition contre la ville de Plaisance et les coups de main dans les deux sens se multiplient.
En 1694, l’escadre du chevalier de Nesmond échoue contre Saint-John’s harbour, la capitale de la colonie anglaise. En 1696, le nouveau Gouverneur de Plaisance, Saint Ovide de Brouillan, aidé d’une escadre malouine, probablement des pêcheurs, reprend les opérations sur Saint-John’s mais se trouve en difficulté. C’est Le Moyne d’Iberville, avec cent vingt-cinq Canadiens, qui vient l’aider par l’intérieur des terres, à travers bois, enlevant le 30 novembre deux forts aux Anglais. Mais ceux-ci résistent et deux cents soldats, retranchés dans l’îlot escarpé de Charbonnières, empêchent l’île de Terre-Neuve d’être entièrement reprise par les Français.
L’année suivante, le commodore Allen ayant repris le Fort Bourbon, rebaptisé Fort-Nelson, Le Moyne d’Iberville est de nouveau appelé pour redresser la situation dans la Baie d’Hudson. Pour cette expédition, il arme une escadre et quitte la France à la fin du mois de juillet. Fin août, aux atterrages de Terre-Neuve, seul à la tête de l’escadre avec son navire le Pélican, vaisseau de quarante-quatre canons, il est attaqué par trois vaisseaux anglais : le Hampshire, l’Hudson-Bay et le Dehring. Il coule le premier, capture le second et met en fuite le troisième. Puis, aidé de ses six frères, il enlève aux Anglais les forts de la Baie d'Hudson, interdisant leur retour dans la baie. En septembre 1697, la place est de nouveau française.
Extrait de la Bibliographie Francophone de la grande pêche.
© Édition Association Fécamp Terre-Neuve, 1998
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